LE PRINTEMPS DE GRÂCE DE MICHEL BAGLIN

LE PRINTEMPS DE GRÂCE DE MICHEL BAGLIN

Michel n’avait pas attendu le feu vert des instances officielles du Printemps des poètes 2024 pour rendre grâce à la vie à travers toute sa poésie et tout particulièrement dans son recueil L’Alcool des vents (éditions Rhubarbe) qui, depuis des années est toujours revisité aux quatre coins de l’hexagone.

L'atelier au travail à la médiathèque de Frouzins

TEMPS 1

Coup d’envoi donné le 8 mars après-midi à la médiathèque de Frouzins (31) sous la houlette de Marie-Claude et Georges Cathalo.

Les 8 participants et participantes de cet atelier ont composé les « cadavres exquis » ( * ) suivants à partir d’une amorce cachée. Cette amorce était le début d’un poème de Michel Baglin en provenance de son recueil « L’Alcool des vents ».

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Je rends grâce aux vivants qui ne perdent pas pied, à ceux qui ne fuient pas quand on leur en parle et qui se réjouissent à la vue de l’immensité des paysages colorés et des lumières éclatantes, des sensations qui donnent des frissons, parlant du bison dans les verts pâturages verdoyants où les fleurs des champs lèvent la tête et boivent le soleil jusqu’à ce que les étoiles brillent de mille feux dans la verte campagne où s‘ébrouent les papillons rêveurs, les libellules légères et les foulques rieuses et amusantes.

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Je rends grâce à des inconnus, des disparus, des anonymes,mes héros clandestins qui caracolent magnifiques et fiers dans ma tête, les lutins rieurs qui dansent dans la beauté du matin quand pleuvent les souvenirs et que naissent les espoirs dans ce jour couleur d’orange et de citron jaune, les coupes étaient remplies et une fois le nectar bu, les invités dansèrent toute la nuit car ils n’avaient plus envie de se quitter puisqu’ils aimaient tellement en allant danser et flirter.

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Je rends grâce aux encres et aux papiers pour qu’ils ouvrent les passages vers les tombeaux sanglants et les cadavres exquis qui se suivent ou se dispersent, s’assemblent ou pas, c’est comme chacun le veut mais parfois il vaut mieux ne pas s’arrêter aux critiques et continuer son chemin sans regarder en arrière, profiter de chaque instant qui compte pour se mettre en rang d’oignon, ces oignons qui font pleurer comme des madeleines, larmes de rosée inondant le jardin des simples du monastère où rient des diables tellement laids qu’ils ressemblent au chef des Fêlés.

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Je rends grâce aux coups de vent et de chance, à la dent du réel qui ressemble à un diamant étincelant de lumière et de blancheur dans le cercle vicieux de ces idées apocryphes et tendancieuses, de ces pensées coquines et de ces envolées lyriques dont je me souviens bien et aussi de l’odeur de son parfum. J’ai oublié de fermer la cage de l’oiseau qui s’est envolé pour partir vers le passé et le futur, tirant à la courte paille jaune de mon chapeau sur lequel cet oiseau gracieux lance un cri de crécelle écervelé.

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Je rends grâce à ce qui m’aura blessé juste assez pour que je rassemble ces statues grecques qui étaient vénérées par les hommes. Elles étaient douces et les hommes leur offraient des bouquets odorants, laissant de belles créatures aux gestes alanguis et gracieux qui habitent mes rêves de danseuse gracieuse avec des chaussons d’argent volés subrepticement à Cendrillon, la marchande perverse de choux-fleurs qui cherche allègrement comment de si belles envolées sont maintenant de bons souvenirs.

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Je rends grâce aux frontières que l’on passe en clandestin, premiers pas hors de la cour en se laissant glisser par le vent qui nous emporte vers le printemps pour la journée de la femme dont la grâce me touche et fait palpiter mon cœur dans la chaleur de l’été sous le magnolia odorant dans lequel un écureuil brosse gracieusement sa queue dès potron-minet, peigne soigneusement sa chevelure dorée qui retombe avec douceur sur les frêles épaules d’un géant aux pieds d’argile trempés dans la mer bleue.

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Je rends grâce en somme à ce que l’on dénigre, aux détours par le cœur des Fêlés promenés ne sachant pas revenir sur leurs pas ! Pas de cailloux semés par le Petit Poucet perdu dans la forêt en cherchant la Fée Clochette dans le marais glauque où bave un crocodile édenté qui songe aux temps heureux où il croquait sans mal ; et le voilà assis dans la douce lumière du soleil qui plonge dans la mer agitée où il rêve de calme et de paix et c’est pourquoi ils ont pris leur courage à deux mains.

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Je rends grâce aux poches trouées qui ont laissé s’enfuir la danseuse gracieuse qui s’envole légèrement dans la lumière du jour avec un léger bruissement semblable au battement des ailes de papillon volant le soir au clair de lune quand les rêves influent notre imagination comme des cochons roses et des éléphants bleus qui se dandinent avec une grâce animale mais craintive et qui fait trembler les enfants et chanter les vieillards dans les parcs publics le dimanche matin.

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( * ) Le cadavre exquis est un jeu d’écriture inventé et pratiqué par les poètes surréalistes dans les années 1930. C’est une sorte de « relais »où chaque personne écrit à la suite de ce qui précède sans en connaître le contenu.

TEMPS 2 : Spectacle à la maison de la poésie Le Figuier pourpre à Avignon (84) le 8 mars au soir.

Lecture de L’Alcool des vents en soirée d’ouverture du Printemps des poètes en une adaptation à trois voix avec Jean-Claude Delalondre, Kathie Feldman et Alain Igonet.

Jean-Claude est un récidiviste ! Découvrant avec émerveillement en 2014, Un Présent qui s’absente, il en assure la lecture intégrale à librairie Sauramps à Montpellier.

Durant l’hiver 2017, il présente la Première d’un spectacle composé de poèmes, récits et nouvelles de Michel en présence de l’auteur, à la Maison de la Poésie d’Avignon.

Début 2018, une nouvelle adaptation du spectacle est donnée à Muret, suivie en automne 2019 d’un hommage au festival littéraire L’Atelier imaginaire de Lourdes, dont Michel était un invité régulier.

Et au printemps 2022, Jean-Claude avait décliné des poèmes de Michel lors d’un spectacle au bénéfice des civils Ukrainiens.

de gauche à droite, Jean-Claude, Katie et Alain

TEMPS 3

Dans le cadre du Printemps des Poètes, les responsables de la Médiathèque de Frouzins (31) ont demandé à deux associations poétiques, Texture et Les Fêlés, ainsi qu’à des artistes locaux de présenter un spectacle « poésie et chanson ».

Plus de 50 personnes ont pu apprécier en particulier les réalisations de l’atelier du 8 mars à savoir : lecture de définitions originales de la grâce, quelques cadavres exquis et des poèmes en « cut-up » composés à partir de textes de Michel Baglin.

Garance De Rosso

Aude Constans

TEMPS 4

Vendredi 15 mars, à Senones (88), notre amie Christelle Thébault a lu à son tour avec Nadine Ronsin des extraits de L’Alcool des vents, en la compagnie (et nul doute que cela lui aurait plu !) de textes de 11 poétesses de diverses nations.

« Lire et partager les textes de Michel a toujours été un vrai plaisir.

La lecture à haute voix est mon mode d’expression privilégié depuis des années pour donner à entendre des poètes contemporains.

Au cours de diverses lectures, préparées et lues avec des amis, nous avons certes déjà intégré des poèmes de Michel mais je souhaitais lui consacrer un temps de lecture plus ample.

Lorsque j’ai pris connaissance du thème du Printemps des poètes 2024, la Grâce, j’ai immédiatement pensé à l’Alcool des vents.

La lecture s’est construite au fil des semaines suivantes. Avec ma partenaire de lecture, nous avons décidé de mêler aux poèmes de Michel ceux de onze poétesses de tous horizons. »

Christelle & Nadine

TEMPS 5

Évocation de Michel Baglin, de l’Association et de L’Alcool des vents au Club Poésie de Sète (34) animé par Jacques Ibanès mercredi 19 mars, tandis que le voilier de 32 mètres « La Grâce » bateau pirate tchèque était amarré quai d’Alger...

« Tu rendras grâce à nos fidélités, bien sûr, mais plus encore à notre fidélité au vent

qui tourne, retourne, détourne, contourne et jette à l’ortie le chapeau

et flambe dans la paille des convictions et dépouilles l’épouvantail de ses hardes,

apportant parfois avec le sable rouge du désert ou le coup de tabac des nostalgies océanes

la terrible envie d’expatrier son ombre. »

le navire La Grâce à Sète

TEMPS 6

Enfin, vendredi 22 mars Christelle Thébault et Nathalie Ronsin réitérèrent leur spectacle poétique à Etival-Clairefontaine (88).

« Nous remercions Corinne Peynot et Nadine Guyot pour leur accueil toujours aussi chaleureux à Senones et à Etival-Clairefontaine. Environ 40 personnes pour les deux lectures et quelle belle écoute de la part du public chaque soir !

Outre Michel, nous avons eu plaisir à lire : Sofia Karampali Farhat, Zaatar, Ella Yevtouchenko, Danièle Corre, Albane Gellé, Aksinia Mihaylova, Béatrice Marchal, Colette Nys-Mazure, Amina Saïd, Anne Dujin, Isabelle Lévesque et Mireille Fargier-Caruso.

Nous avons travaillé à une mise en espace sobre avec quelques accessoires, du partage de l’ivresse autour d’un verre au déroulement de poèmes sur feuillets.  

En écho aux poèmes, nous avons ajouté cinq extraits musicaux qui étaient autant d’adresses à Michel qui appréciait la poésie mise en musique et la chanson à texte. »

Christelle Thébault, Georges Cathalo et Jacques Ibanès