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TEXTURE       Les amis de Michel Baglin

Lien entre les amis du poète et écrivain Michel Baglin

COURS, ANTIGONE, COURS ! PAR CASIMIR PRAT

COURS, ANTIGONE, COURS ! PAR CASIMIR PRAT

« Mais, j’y repense : comment sauver quelqu’un ? »

Avec ce livre tant attendu, livre rare et précieux, Casimir Prat renoue avec le micro-univers de la poésie contemporaine. Il y retrouve la place discrète qu’il y occupait dans les années 1995-2005. Dans son univers poétique, les choses sont là en permanence : simples objets oubliés ou repères temporels… Elles sont parfois des symboles ou des rappels comme cette chaise familiale avec la veste suspendue, chaise instable, comme la Mémoire, écrit le poète.

C’est cette même mémoire qui lui a permis de faire se rapprocher généalogie familiale et généalogie mythologique. Cette lecture en parallèle s’arrête là car on peut y relever des points de convergence mais également des points de mise à distance à partir de la personne centrale d’Antigone, héroïne aux multiples visages et aux nombreux masques. « Cette propension à accorder / une importance démesurée à des évènements insignifiants, minuscules » révèle en amont un travail de recherche qui va cibler certains secteurs d’un passé qui n’aurait toujours pas livré ses secrets.

La tonalité de cette poésie pourrait nous entraîner dans une envoûtante mélancolie ou pire encore dans une redoutable nostalgie. Rien de cela ici avec ce troublant jeu de masques dans lequel on se trouve entraîné. Ce sentiment d’inachevé permet de progresser dans la lecture en ménageant des espaces afin de reprendre souffle. Cette poésie agit comme une vrille pour un carottage du réel qui poursuivrait une quête que l’on saurait perdue d’avance car infinie vers un horizon qui changerait sans cesse.

L’amicale préface de Philippe-Marie Bernadou ne devrait se découvrir qu’après la lecture complète du livre de Casimir Prat. Ce serait plutôt une postface si les pages terminales n’étaient occupées par une coda, une note du « traducteur » et trois autres notes ou notices. Pour clore cette brillante élégie écrite sous forme de choral, Casimir Prat a cru bon de proposer une coda mais cette indication finale continue d’entretenir le trouble plus qu’elle ne révèle des pistes ou des secrets. Courez, lectrices et lecteurs, courez vite lire cet ouvrage !

         Georges CATHALO

Cours, Antigone, cours ! (Le Taillis Pré éd., 2023),                                138 pages, 17 euros – 23, rue de la Plaine – 6200 Châtelineau(B) ou yves.namur@skynet.be                              

Casimir Prat « au coin du feu » en janvier 2005 (chez Marie-Claude et Georges Cathalo)

Casimir Prat « au coin du feu » en janvier 2005 (chez Marie-Claude et Georges Cathalo)

« Contrairement aux dieux, les mythes ne meurent pas…ils sont l’évidence, comme la poésie. » nous précise Philippe-Marie Bernadou dans la préface.

Au mythe d’Antigone et à sa voix viennent se tisser d’autres voix de femmes, poétesses, romancières, qui ont également connu un destin tragique. Ces femmes, Emily Dickinson, Alejandra Pizarnik, Silvia Plath, Ingeborg Bachman, toutes sont des rebelles, à l’image d’Antigone. Toutes ont résisté : à la pression sociale, familiale, à la folie, au nazisme et à l’injustice. Á ces femmes courageuses, Casimir Prat ajoute son Antigone à lui, sa mère Armande, qui a dû quitter l’Espagne, son pays, en 1939.

Casimir Prat est devenu si intime avec les œuvres de ces poétesses disparues qu’il parvient à créer ces dialogues avec une justesse de ton et une simplicité familière.

Lorsque l’une d’entre elles parle du plaisir de fumer, on pense à la fin tragique d’Ingeborg Bachman, morte brûlée vive après s’être endormie sans éteindre sa cigarette.

« Car le plaisir que je prends à fumer autant/ n’est-il pas après tout, pure imagination ? Le simple plaisir pur que j’éprouve en réussissant à m’oublier / dans la fumée/ n’est qu’une illusion fugace/ que me prêtent les brins de tabac en combustion enveloppés dans le fin papier blanc… »

Mais derrière les confidences de ces disparues auréolées de mystère, se dessine en filigrane les pensées de l’auteur. Ne partage-t-il pas lui aussi, les tourments de l’écriture et la fatalité de la mort ? Ne nous transmet-il pas cette attente inquiète ?

« Je sais -qu’il n’y a pas de poème

plus beau, plus exact et plus émouvant 

qu’un poème manqué (à l’image de celui que tu es en train de lire, cher lecteur),

le poème / que personne n’a jamais fini d’écrire… »

Ces dialogues où l’on n’entend qu’une voix, se lisent, se savourent lentement, comme ce « leche merengada », douceur sucrée que l’auteur dégustait, petit, chez sa tante de Barcelone.

La poésie de Casimir Prat est à l’image de l’homme : sous des abords discrets, derrière ses silences, elle est vive, elle emporte et nous émeut. Sobre et fluide, l’écriture prend parfois des accents élégiaques.

Écoutant le murmure de ces femmes, je me suis laissée portée par la mélancolie du texte.

Le poème ne serait-il donc que ce silence qui tournoie avant de disparaitre ?

« Chaque poème ressemble à une scène où viendraient de tomber

les petites plumes blanches du silence, toutes les lettres blanches

du silence vingt-six plumes qui ne peuvent rester en place et tournoient

sur elles-mêmes et se louangent et se mélangent et disparaissent-

et moi aussi je tourne sur moi-même et disparaît ! »

            Régine Bernot-Philippe

COURS, ANTIGONE, COURS ! PAR CASIMIR PRAT

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