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TEXTURE       Les amis de Michel Baglin

Lien entre les amis du poète et écrivain Michel Baglin

HOMMAGE À CHARLES LE QUINTREC

HOMMAGE À CHARLES LE QUINTREC

Charles Le Quintrec est né à Plescop près de Vannes le 14 mars 1926.

Je fais sa connaissance un jour d’été et de dédicaces à Roscoff alors que je démarre ma vie d’auteur, mon parcours de poète. C’était dans les années 90. Je le revoie venir à ma table et poser l’argent d’un de mes recueils dont il se rendit acquéreur. Très vite, une amitié se noue. Un jour, je lui passe un coup de téléphone et il m’invite à dîner chez lui.

« N’oublie surtout pas tes manuscrits ! me dit-il. »

J’accepte l’invitation et prends la route vers Moëlan sur mer. J’arrive vers midi pour la première fois dans sa maison de Kerhuiten. Je fais la connaissance de Violette son épouse occupée à coudre en regardant la télévision. Après l’apéritif, place au repas au cours duquel nous faisons connaissance l’un de l’autre. Né dans une famille pauvre, il me parle de sa jeunesse, qu’à dix-sept ans, tuberculeux, il intègre le sanatorium.

Là, il lit énormément. Le 19 décembre 1948, le lendemain même de son arrivée à Paris, Hervé Bazin avec qui il était en correspondance depuis deux ans, le mena aux «Insulaires » café de la rue Saint-Louis-en-l’Isle que fréquentait une horde de rapins et de porte-lyre. Le Quintrec admire Hervé Bazin et lui fait part de ses ambitions littéraires, travaille dans la banque Scalbert puis entre au journal Ouest-France comme critique littéraire pendant quinze ans.

À 13 h 30, sonne l’heure de regagner son bureau qui m’intimide :

« Alors, qu’as-tu à me montrer ? Je veux voir ton travail. »

De mon cartable d’écolier, j’extrais les poèmes sur lesquels je travaille. Je le regarde avec appréhension, suis son stylo de couleur rouge de peur qu’il ne rature un mot, un vers ou un poème voire plus qui aurait pu déclencher un mouvement d’humeur. Venant du maître, j’aurais accepté ses remarques. Au moment de la pause, il me parle du métier d’écrivain, de poète, me conseille et m’encourage à écrire et à lire notamment le poète morlaisien Tristan Corbière ainsi que René Guy Cadou et bien d’autres.

Cette première et belle journée s’achève, je regagne Morlaix, heureux de ce véritable contact très enrichissant, en tête à tête. A la fin des autres rencontres, il me conviait à une partie de boules qu’il affectionnait.

En 1953, il publie son premier livre «Les temps obscurs » puis «Les noces de la terre » en 1957 chez Grasset, « La marche des arbres » en 1970, et « Le Christ aux orties. »

Le poète Charles Le Quintrec est à l’écoute du chant profond. Son premier roman « Les chemins de Kergrist » chez Albin Michel voit le jour en 1959 et le fait connaître. Nombre de romans, de livres de poésie, des anthologies comme « Les grandes heures littéraires de Bretagne ainsi que « Littératures de Bretagne » aux Éditions Ouest- France en 1992 jalonnent son chemin. Aux Éditions La table ronde, il publie « Poètes de Bretagne » en 1999, 2008 et 2018, une anthologie dans laquelle j’ai l’honneur de figurer.

Charles Le Quintrec et moi échangeons nombre de missives précieusement gardées et des coups de téléphone. Dans l’année, je me déplace chez lui trois ou quatre fois et c’est toujours d’excellents moments de poésie et de convivialité. Quand vient l’automne, il regagnait son logement de Noisy le sec pour six mois et revenait à Moëlan sur mer au mois de mars. En 1992, il préface mon recueil « Visage d’un jour » aux Editions Caractères à Paris qui obtient l’année suivante le prix de la Fédération des Bretons de Paris.

Chaque livre de Charles Le Quintrec est une demeure de l’âme écrivait Robert Kanters et Alain Lemoigne, auteur d’une thèse sur l’œuvre du poète, y découvre des courants spécifiques qui sont : la recherche d’une certaine perfection, le mouvement jusque dans l’enracinement, la quête de l’identité.

Avec Le Quintrec, écrit Robert Mallet, tout est matière, tout résonne, vibre et porte l’ombre au niveau de la substance nourricière.

Qu’il s’agisse de poèmes ou de romans, son œuvre est entièrement vouée à la poésie écrira Robert Sabatier qui ajoutera : Bouleversé, il bouleverse.​​​​​​​

Il n’est pas une œuvre de Charles Le Quintrec qui, de quelque façon, ne jette un regard sur son enfance paysanne, pauvre et soleilleuse à la fois dit Robert Lorho . En vérité, le poète est à l’écoute du chant profond. Pour le capter, il fait encore appel à ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps : la prosodie. Il ne dédaigne pas la rime, moins encore la rime intérieure, l’assonance, voire la dissonance et procède par larges strophes incantatoires.

De nombreux prix prestigieux jalonnent son œuvre. Prix Gérard de Nerval, Prix Max Jacob, prix de l’Académie de Bretagne, Prix Apollinaire, Grand Prix de poésie de l’Académie Française.

Au mois d’avril 2008, après une intervention au lycée de Kerneuzec à Quimperlé, je l’appelai et lui demandai s’il m’était possible de lui rendre visite.

« Bien sûr, viens. Ce sera un plaisir de te voir, j’ai fait ma sieste, je t’attends. »

Il me reçoit comme à son habitude et se montre jovial. Je ne remarque rien sur son état de santé qui aurait pu me mettre la puce à l’oreille pas plus que dans sa lettre du 8 mai 2008. C’est la dernière fois que je le vis.

Mi-novembre 2008, je fus averti de son décès à l’hôpital de Lorient. Je garde de lui un très bon souvenir et suis heureux ici, dans « Fenêtre sur poésie » de septembre 2023, de lui rendre hommage et le remercier de m’avoir mis le pied à l’étrier de l’écriture poétique.

        Jean-Albert Guénégan

NDLR : Cet article fait partie de l’excellente revue en ligne « Fenêtre sur poésie » dont le numéro 10 est paru en septembre dernier. 

Quelques-unes de ses oeuvres, poèmes et romans

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