HOMME DE PLAIN-PIED MICHEL BAGLIN
À Yves Rouquette, IM.
Il était le maître du feu en grillant les sardines comme en éclairant de l’intérieur les dieux premiers, quand il sondait les vertiges et les ferveurs qui créèrent les statues-menhirs du rougier de son village de Camarès.
Et cette déité incertaine pétrie de vie élémentaire, nourrie d’une faim d’herbe et de chair et de la joie amère d’exister, trouvait sens et vigueur dans sa voix rugueuse d’homme d’Oc et de chrétien buissonnier.
Il aimait Marie et leurs chemins d’œuvres entrelacées, reconnaissant en elle la femme qui pousse vers plus de clarté.
Il allumait un œil malicieux pour écouter les amis autour des tables où se partagent avec le vin les histoires cocasses des vivants douloureux.
À l’âge où l’on a la joue râpeuse des grandspères et pris la pleine mesure de l’innocence et de la cruauté, il mêlait de plain-pied avec les bêtes, le foirail et la glèbe, le verbe qui roumègue au poème qui répète un hymne désespéré de merci et de louange.
Son sourire lumineux disait la tendresse de qui accueille avec bienveillance et un rien de fatalité ce que les jours lui réservent de bon et sa part parfois de mauvais.
Et la moustache toujours soulignait la moue amusée de celui qui sait l’indécence totale de tout ce qui vit.
Seilh, 2 & 3 février 2015
TOTJORN L'AUBA IVES ROQUETA
Totjorn l'auba : la fenètra
es dubèrta sus l'ort.
Encara tu : la man posada
sus mon ventre - e dormissses.
Istar mut. Escotar
lo bruch de ploja de l'arjol pels rosièrs.
Entre l'Unic que velha
e la resplendor movedissa del tot
i a delicias
a se saupre mortals.
Novembre de 78
L'escritura, publica o pas (Institut d'Estudis Occitans)
TOUJOURS L'AUBE YVES ROUQUETTE
Toujours l'aube : la fenêtre
s'ouvre sur le jardin.
Toujours toi : la main posée
sur mon ventre et tu dors.
Se taire. Écouter seul
le bruit de l'arrosoir sur les rosiers.
Entre l'Unique qui veille
et la splendeur mouvante du tout
il y a délices
à se savoir mortel.
(traduction Yves Rouquette)