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TEXTURE       Les amis de Michel Baglin

Lien entre les amis du poète et écrivain Michel Baglin

POÈMES EN MIROIR 25 MICHEL BAGLIN -JACKIE BAGLIN

POÈMES EN MIROIR 25 MICHEL BAGLIN -JACKIE BAGLIN

Le vent

                                                 à Jackie

Il te croise ou te dépasse, mais jamais ne va à

ton pas : le vent n’est pas un compagnon de route.

*

Tantôt il te pousse, tantôt te freine, mais

toujours t’empêche de te pétrifier. Il interdit l’assise.

Le contentement de soi.

*

Lui qui nous vante et nous invente des plumes

d’aigle est un adepte du rebrousse-poil.

*

Il envoûte les nuages et sculpte l’invisible.

Réveille des vagues dans les conifères qu’il rend

fous.

Écoutons-le : il ose ce qu’on ne dit pas. Parle

parfois pour nous.

*

Il joue d’une batterie discrète dans les

haubans, puis passe aux grandes orgues dans les

branchages de l’hiver.

Il porte le chant.

*

Il fait sa lessive au bleu. Se lance dans

l’azurage de la lumière.

*

Lui qui joue les entremetteurs entre les arbres,

les graines et les fleurs, soulève la poussière et les

pollens, la suie et les parfums. Il s’offre à tous, mais

aussi à chacun.

*

Le vent arrache les dernières feuilles des

chênes, mortes depuis longtemps. Il balaie devant

nos portes et disperse les prudences fétides. Il

purifie.

*

Lui qui écharpe les arbres malades et nous

échevelle se glisse sous nos vêtements. Juste pour

nous forcer à croire que nous sommes vivants.

*

Il siffle dans les ramures et transporte plus

sûrement que nos pas vers ces fameux pays que l’on

désespère d’atteindre. Il est le messager des contrées

que l’on croit perdues.

*

Le vent souffle de l’enfance vers les grands

rêves de voyage. Son lyrisme est de haute mer et de

cimes, de terres brûlées et de banquises. Il est le

chantre des déserts comme des neiges éternelles et

des solitudes australes. Il ne raconte pas, il célèbre.

*

Ouragan ou tempête, il arrache du sol et

emporte pour mieux laisser retomber tous les élans

des êtres qu’il inspire. Les flots qui gonflent, les

portes qui battent, la pluie qui cingle et la voile qu’il

glorifie lui sont redevables de leur force de vérité.

Derrière ses hurlements, un grand silence se fait.

*

Quand le vent tombe, la mort alors se remet à

causer.                                                                                                                       

Michel Baglin, extrait de L’obscur vertige des vivants, Seilh, décembre 2015

POÈMES EN MIROIR 25 MICHEL BAGLIN -JACKIE BAGLIN

            Le souffle de ta voix                                                                                                                                   à Michel
Attends,
attends encore un peu !

Sais-tu qu’en ce jour-là, soudain,
notre jardin a fait silence,

suspendus le vol tournoyant des milans,
les vocalises des merles,
les frémissements des frênes,
les tourbillons de poussières sur l’allée.

Sais-tu qu’en ce jour-là,
tout devint statues de sel
attente
souffle coupé.

Sais-tu qu’en ce jour-là,
lorsque la voix en blouse blanche au bout du fil se tut,
un soleil glacial de juillet est entré chez nous et m’a giflée.

Sais-tu qu’en ce jour-là
j’ai vu les cosmos, les volubilis s’incliner et chuchoter :
«  le vent est tombé » !

Sais-tu que depuis ce jour-là,
ta voix chaude s’est faite souffle,
celui qui dégage le ciel d’hiver de ses nuages noirs,
balaie les feuilles à la morte saison,
fissure l’été de plomb d’une brise légère,
puis, mars venu, taquin, capture et décuple
le parfum joyeux du mimosa.

                  Jackie Bagin – poème inédit – avril 2022


 

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