12 Décembre 2021
Qu’on ne s’y fie pas, derrière ce très beau titre qui évoque ce petit oiseau migrateur, s’élève un chant d’exil et d’absence. Dès le premier poème, nous voilà confrontés à la guerre, cette guerre qui pousse à l’éloignement et à l’abandon des maisons.
Il faut donc partir, quitter son pays, la Syrie, pour un autre, inconnu
« Nous étions sur le chemin, les oiseaux aussi »
Tous ont pris le chemin de l’exil et s’efface le passé et s’émousse le courage.
« La terre a été désertée par ses fils »
On devient étranger au milieu d’autres étrangers et on tend le doigt vers l’Orient.
L’histoire est un tyran qui jette les gens sur les chemins. Il faut se confronter à l’absence dans le souvenir de l’arbre penché sur la rue …et espérer
« Tout ce que je souhaite à mon retour
C’est retrouver le chemin, le trottoir, la vieille maison
Et que l’arbre se souvienne de moi »
Malgré l’absence et l’exil perdurent les rêves « aussi nombreux que les oiseaux, aussi simples qu’une tasse de café » alors que « des chansons sans chemin de retour » restent prisonnières de la mer. Le quotidien prend ici toute son ampleur.
Désormais, Damas et Alep sont les villes d’une patrie perdue que la poétesse se refuse à pleurer.
Il arrive que l’amour traverse le chemin, il le déserte aussi, il trébuche car, dit-elle, « après la perte, nous ne sommes plus les mêmes »
Et toujours les oiseaux qui accompagnent l’exilé, les oiseaux et les arbres : caroubier, pistachier, olivier…qui rappellent le pays.
Ce chant d’exil se termine sur une note d’espoir et d’amour au pays et à sa langue
« Que peut faire la poésie
Pour tirer l’humanité hors de son refuge
Pour que jamais ne s’assèche la chanson
Si ce n’est rendre hommage à la vie
Aux ombres de la vie…dans la langue. »
Dans ce recueil, les textes sont en miroir, à gauche le poème en arabe, à droite en français et passer d’une langue à l’autre, c’est comme passer d’un pays à l’autre. Ainsi, se dessine l’exil mais aussi l’espoir et l’amour qui, malgré la souffrance, sont toujours là comme la lune.
La poésie d’Hala Mohammad suit l’ascension de l’oiseau, elle en possède la grâce et la beauté, l’émotion est là.
« Et cet oiseau qui passe…un vers de poésie »
Poète et réalisatrice, Hala Mohammad est née en 1959 à Lattaquié, sur la côte syrienne. Elle a réalisé plusieurs documentaires sur le thème de la littérature des prisons et a été assistante-réalisatrice de deux longs métrages tournés en Syrie, tandis que ses recueils paraissaient au Liban. Au début des événements qui déchirent aujourd’hui son pays, elle a mis tout ce qu’elle possédait dans une valise et a trouvé refuge en France. La poésie de cette exilée est un art de vivre qui défie la peur.
Régine Bernot-Philippe
Hala Mohammad Les hirondelles se sont envolées avant nous
Traduit de l'arabe (Syrie) par Antoine Jockey
Editions Bruno Doucey (Collection Soleil Noir)
144 p. 15 €